Intenses voies de transport, les canaux ont donné naissance à de grands ensembles industriels, mais ont aussi favorisé les infrastructures domestiques facilitant la vie quotidienne des riverains et mariniers.
Le canal de Bourgogne une voie industrielle oubliée
Les ¾ des communes traversées par le canal ont vu se développer des activités industrielles: carrières, cimenteries, forges, entrepôts de marchandises… Le canal était utilisé comme force hydraulique pouvant fournir de l’énergie aux usines et machines (machines à vapeur). Les cartes postales peuvent seules rendre justice de cette époque aujourd’hui disparue. Le transport de marchandises est la fonction première et la plus importante du canal. Les entreprises utilisent le canal pour récupérer des matières premières et écouler les productions locales. Des ports dotés de quais sont installés comme à Saint-Jean-de-Losne, Pouilly-en-auxois ou Montbard. Les régions traversées par le canal, profitent du nouveau réseau de communication qui parfois côtoie de près l’installation de chemin de fer. Elles connaissent au 19e siècle un essor industriel remarquable. L’urbanisme est alors dicté par ces réseaux qui induisent des modifications et constructions spécifiques. Mais le canal a vite été concurrencé par la route et le rail.
Aux grands travaux de la construction du canal a succédé une phase de développement d’un paysage industriel et commercial. Il est aujourd’hui difficile d’imaginer l’intense activité du siècle dernier. Le volet des loisirs a désormais pris le relais.
Montbard, une cité industrielle
La traversée de la ville de Montbard par le canal de Bourgogne est un bon révélateur des transformations urbaines depuis la construction de l’ouvrage. Sur le promontoire, le château du naturaliste Buffon, entouré de son parc, domine la ville ancienne installée à flanc de colline. Les cadastres et plans des années 1830 montrent le canal de Bourgogne passant au milieu des champs. Seules quelques constructions sont indiquées sur le port. Le chemin de fer s’installe en parallèle du canal, sur la rive gauche. Les deux réseaux induisent alors un développement industriel avec de nouveaux quartiers industriels et des cités ouvrières dans la plaine (entre la rive gauche du canal et la ligne Paris-Dijon-Lyon). Les usines possèdaient un quaie sur le canal ainsi qu’un embranchement particulier reliant le site à la gare de Montbard. Les matériaux et produits finis pouvaient ainsi circuler. Ce nœud ferroviaire a imposé la construction de lotissements pour les cheminots en périphérie de ces nouveaux quartiers industriels qui finissent par fusionner avec la ville ancienne. Aujourd’hui le port de Montbard est un port dédié à la plaisance.
Le site industriel Valinox nucléaire est installé sur cette même rive, il abritait un atelier de fabrication de tubes inoxydables, aujourd’hui détruit.
L’usine métallurgique, créée en 1895 par la société française de fabrication des corps creux, appartient aujourd’hui au groupe Vallourec, nom pris en 1957 (contraction du nom des villes du nord de la France où se trouvent trois fonderies du groupe : Val pour Valenciennes, Lou pour Louvroil près de Maubeuge, et Rec pour Recquignies). C’est aujourd’hui en France le seul fabricant de tubes en acier sans soudure (on les retrouve employés pour le forage des puits de pétrole et de gaz, pour les oléoducs, pour les raffineries, pour les chaudières des centrales de production d’électricité, pour l’échappement ou les amortisseurs des voitures, pour les engins à commande hydraulique). Le procédé de fabrication avait été découvert en Allemagne par les frères Mannesmann en 1884 et c’est le système Ehrhardt qui était utilisé à Montbard quand la société produisait surtout des munitions d’artillerie.
La tuilerie de Grignon
La tuilerie des Granges a été créée par la famille Sébillotte en 1870 près du canal et à proximité d’un important gisement d’argile. L’établissement a été vendu à M. Cattiaux, un ingénieur du Nord, en 1945, puis à Henri Laurent en 1963. La tuilerie a fermé en 1973 . Les plans du linéaire du canal, des années 1860, indiquent une tuilerie à cet endroit, appartenant à Antoine Tripier. La Tuilerie Laurent est devenue, grâce à la famille Laurent, un musée présentant la fabrication et les modèles de tuiles et briques.
Sur la rive gauche, subsistent certains bâtiments : une remise pour abriter le bois destiné à l’alimentation des fours, la maison d’origine des Sébillotte, une petite maison servant de bureau, les restes d’un four d’origine avec une cheminée de 33 m, un atelier de mécanique d’origine avec son four et sa cheminée d’origine. Un quai permettait d’affreter la marchandise par bateaux.
Le port de Venarey-Lès Laumes
Le port de Venarey a été aménagé par la suite et ne date pas de la construction du canal. Il se présente sous la forme d’un bassin arrondi auquel a été ajouté un autre bassin de forme quadrangulaire sur la rive gauche. L’activité du port est soutenue par les besoins des tonnelleries, tuileries, briqueteries, carrières et des cimenteries. En effet, une usine à chaux et ciment était implantée dès le milieu du 19e siècle à cet endroit sur la rive gauche. Elle appartenait à Antoine Triper. Son emplacement correspond aux hangars actuels. Lors de la Première guerre Mondiale, elle a été transformée en filature. Une rampe de mise à l’eau et trois remises se situent également sur la rive gauche. Elles abritent aujourd’hui un loueur de bateaux. Pendant la seconde guerre mondiale, le trafic est interrompu à cause du manque de carburant. On pouvait voir alors sur plusieurs km, vers la filature et la tuilerie se trouvant à des dizaines de péniches immobilisées. Il y avait notamment un bateau de vaisselle, sorte de magasin itinérant. Après la seconde guerre mondiale le trafic de marchandise a été concurrencé par la route et le rail. Avec le développement du tourisme fluvial, la commune entreprend dans les années 1990 et 2020 des travaux pour aménager touristiquement ce lieu (construction d’un bassin, et d’une capitainerie, aménagement d’un parc et d’un parking, réhabilitation des bâtiments de l’usine) et accueillir des bateaux de plaisance. Depuis les loueurs se sont installés : Locaboat, Nicols…et le port et devenu un port de plaisance.
Pouillenay ses carrières et son port
Les carrières les plus importantes ont donné naissance à des fabriques de ciment et de chaux. L’ingénieur Legros les recense en 1860 : sur le versant Saône à Saint-Jean-de-Losne, Plombières, Fleurey-sur-Ouche, Pont-de-Pany, Crugey, Vandenesse-en-Auxois, Escommes et Pouilly-en-Auxois ; sur le versant Yonne à Éguilly, Saint-Thibault, Maison-Blanche, Braux, Pouillenay, Venarey, Montbard, Rougemont, Ravières ou encore Ancy-le-Franc.
Les historiens font remonter l’histoire du ciment au percement du souterrain de Pouilly, sommet du canal de Bourgogne. L’ingénieur du canal, Philibert Lacordaire repère des veines de calcaire pouvant convenir à la fabrication du ciment et plusieurs entreprises se développent dans la foulée, s’installant le long de la voie d’eau. Tout le versant Yonne s’organise pour l’exploitation de la pierre : carrières, scieries de pierre, four à chaux… Les produits alimentent d’un côté Dijon, de l’autre Paris en pleine reconstruction. La Première Guerre mondiale met fin à cette prospérité, qui impacte l’ensemble du territoire traversé par le canal. Il reste une cimenterie active à Lézinnes (Yonne) et des carrières subsistent vers Ravières.
Les carrières de Pouillenay ont servi à la construction de Notre-Dame de Semur-en-Auxois, au château et à l’église de Marigny, ainsi qu’au château de Villiers. Leur exploitation a repris vers 1830 pour le canal de Bourgogne puis vers 1880 pour l’allongement des écluses et plus tard pour édifier une partie des digues du barrage de Pont. Leurs pierres ont aussi servi pour certains ouvrages ferroviaires. « La distance des carrières aux voies de transport par chemin de fer ou par canal est d’environ 2 km ». Ces carrières sont de nouveau exploitées depuis 1993 par la société Rocamat.
Sur ce port, qui était prévu dès les premiers temps du canal, se trouve une maison de garde reprenant le modèle de maison éclusière fourni en 1811 par l’ingénieur Foucherot, visé en 1812 par l’ingénieur Sutil. Les carrières ne sont pas visibles depuis le canal.
Sur le port de Pont d’Ouche
Quatre ponts-canaux (Saint Florentin, Montbard, Briennon, Pont d’Ouche) permettent au canal de Bourgogne de franchir les rivières rencontrées. Ils en constituent certainement les ouvrages les plus remarquables. Le pont-canal de Pont d’Ouche mesure 15 mètres de long et est porté par trois arches surbaissées. Des parapets en métal sont insérés dans des bornes en pierre aux extrémités. Il permet de faire passer le canal au-dessus de l’Ouche. Cet ouvrage modeste ne peut clairement rivaliser avec le pont-canal de Saint-Florentin, mais il est situé à un endroit stratégique, où le canal quitte la vallée de l’Ouche pour emprunter la vallée de la Vandenesse et monter sur Pouilly-en-Auxois et le bief de partage.
Il occupe aussi une position stratégique dans le domaine de l’industrie puisqu’était installée ici l’arrivée du chemin de fer des Houillères d’Épinac, une des premières voies ferrées de France desservant un ensemble industriel lié aux houillères. La localité était équipée d’un embarcadère sur le canal de Bourgogne grâce auquel le charbon d’Epinac était évacué. En 1860, un site complet appartenant aux houillères d’Epinac se trouvait à cet endroit. Certains aménagements liés à cette activité industrielle sont encore visibles : remises, cheminées de l’usine …
Le port a quand à lui était agrandi à partir de 1847 sur le territoire des communes de Colombier et de Thorey. C’est Jean-Baptiste Humbert, entrepreneur à Vandenesse, qui est adjudicataire des travaux.
Il offre aujourd’hui une vue très particulière sur le viaduc de Pont-d’Ouche, ouvrage d’art imposant de l’autoroute A6.
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