Des paysages variés, à l’image de la Bourgogne, se découvrent tout au long du canal : de la vallée de l’Ouche à celle de l’Armançon, de la plaine de Saône à celle de Migennes, entre villes et campagne. De la majeure partie du tracé se dégage une impression de sérénité liée à un univers bucolique. Le ressenti actuel est-il bien conforme à la réalité historique ?
Les paysages avant la construction du canal
Aujourd’hui châteaux et églises restent les témoins les plus évidents du paysage d’avant la canalisation. Cependant d’autres activités traditionnelles étaient présentes avant la construction du canal : lavoir, ferme relais de poste, moulins sur des biefs de rivières accompagnant le canal, tuileries, forges… En dehors de la plaine balisée de Dijon à Saint-Jean-de-Losne, le reste des territoires est mal desservi et pauvre en ressources naturelles. Les routes sont peu nombreuses et les rivières pas assez maîtrisées. L’industrie paraît limitée au 18e siècle. Seules quelques usines comme des forges (Veuvey-sur-Ouche, Buffon, Aisy) sont antérieures. Elles fabriquaient du fer à partir du minerai ou de la fonte.
Certains de ces bâtiments témoins d’une époque révolue sont de grande qualité et ont acquis le statut de patrimoine culturel industriel. C’est le cas par exemple de la tuilerie Grignon et des forges de Buffon devenues des lieux d’exposition de l’industrie et XVIIIe et XIXe siècle sur le canal de Bourgogne.
Les régions traversées par le canal, profitent du nouveau réseau de communication qui parfois côtoie de près l’installation du chemin de fer. Elles connaissent au 19e siècle un essor industriel remarquable et les bâtisses existantes subissent quelques modifications.
Aux grands travaux de la construction du canal a succédé une phase de développement d’un paysage industriel et commercial mais avec la désindustrialisation s’est peu à peu mis en place un nouveau paysage, ressenti aujourd’hui comme naturel.
La forge d’Aisy
L’usine d’Aisy, traversée par le canal, a été entièrement remodelée. Un établissement métallurgique remontant au 16e/17e siècle était déjà présent avant la construction du canal. Il arrête son activité au milieu du 19e siècle après avoir été intégrée à la « société des forges de Châtillon et Commentry », ancêtre du groupe Arcelor. Ce sont les seigneurs et comtes de Rochefort qui étaient propriétaires de ces forges et les exploitaient. Les forges d’Aisy étaient alimentées en minerai local provenant d’Etivey, Sennevoy-le-Bas ou encore Jully-les-Forges. George-Louis-Leclerc, comte de Buffon y aurait effectué de nombreuses expériences avant de construire, un peu plus en amont sur l’Armançon, sa Grande Forge.
La forge se déploie à présent des deux côtés du canal, avec des logements ouvriers côté Côte d’Or (rive droite) et un bassin de port rectangulaire bordé par des bâtiments industriels de la fin du 19e siècle à toits en shed et comportant une grande cheminée en brique, côté Yonne. Ils correspondent sans doute à la nouvelle activité industrielle qui est venue remplacer les forges. Une maison de maître complète l’usine en aval.
La Grande forge de Buffon
Cet établissement est fondé au 18e siècle par le naturaliste Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, qui décida de mettre à profit ses découvertes et expériences sur le fer.
Sa belle-fille, Elisabeth Daubenton, vendit l’ensemble en 1842. La forge passa entre les mains de nouveaux propriétaires en 1860 dont les descendants se sont maintenus dans les lieux jusqu’à nos jours.
La production de fer s’y développa jusqu’en 1866 quand une crue de l’Armançon dévasta l’usine. L’établissement était fermé au moins 3 à 4 mois par an car il dépendait de l’alimentation en eau : en été, le débit était trop faible mais, à la fin de l’hiver, il était souvent trop fort. La forge fut ensuite remplacée par une cimenterie dont l’activité se maintiendra jusqu’en 1923, date à laquelle un incendie mit fin à toute production industrielle.
Les bâtiments du 18e siècle sont presque tous conservés. Ils se composent d’un ensemble architectural unique en son genre regroupant la partie domestique (habitations du maître, du régisseur et des ouvriers, l’étable, les remises et les granges autour d’une cour rectangulaire) et la partie industrielle avec les ateliers (la forge : réduction du minerai de fer à l’état de fonte; l’affinerie où la fonte très cassante est réchauffée et transformée en fer, matériau beaucoup plus résistant et malléable; la fenderie : conception et réalisation des outils tels que socs et versoirs de charrue, tiges à clous, ferronneries, tôle…).
Classée monument historique, il est le témoin du génie scientifique du siècle des Lumières.
Courcelles-lès-Montbard et sa maison forte
À Courcelles, la voie d’eau est intégrée dans son environnement patrimonial et paysager.
Depuis le canal, on peut observer le village avec en bordure les corps d’une ferme et plus loin au coeur du village l’église paroissiale Saint-Pierre. Sa construction remonte au milieu du Moyen Âge mais ses voûtements ont été remaniés au 18e siècle. En face, à flanc de coteau, on distingue une maison forte qui aurait été bâtie à la fin du 13e siècle. Reconvertie en exploitation agricole deux siècles plus tard, elle a été démantelée au 18e. Le premier seigneur connu de Courcelles, Jean de Frolois, est vraisemblablement à l’origine de la construction. En dépit des changements d’affectation, les lieux ont conservé leur aspect médiéval. Deux bâtiments de plan rectangulaire, flanqués de tourelles et coiffés de toits coniques, bordent une cour où s’élève encore le donjon. Enfin, en aval du canal, on peut apercevoir une maison éclusière. Élevée au 19e siècle comme la plupart des ouvrages du canal, cette bâtisse n’en est pas moins inédite à cet endroit. En effet, ce type de maison se situe essentiellement sur la partie du canal reliant Pont-de-Pany à Saint-Jean-de-Losne, à des dizaines de kilomètres de Courcelles-les-Montbard. Il s’agit là d’une maison de type Forey.
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